L’anarchisme à Cuba

cuba« Les anarchistes ont participé activement à la lutte contre la dictature de Batista, les uns au sein des guérillas orientales ou de celles de l’Escambray, au centre de l’île ; d’autres ont pris part à des conspirations ou à la lutte urbaine. Leurs désirs étaient ceux, majoritaires, du peuple cubain : liquider la dictature militaire et la corruption politique, travailler à l’instauration des libertés nécessaires aux activités politiques et sociales. Personne n’attendait vraiment un changement des structures économiques et sociales du pays. Dans Proyecciones libertarias, la brochure parue en 1956 citée plus haut, on attaquait Batista, mais on y mentionnait aussi Castro, auquel on n’accordait « aucune confiance », parce qu’il « ne respectait pas ses engagements et qu’il ne luttait que pour le pouvoir ». Ce fut pour cette raison que les libertaires avaient établi des contacts clandestins réguliers avec d’autres groupes que le M. 26-7, tout particulièrement avec le Directoire révolutionnaire. Ceci étant, quand les guérilleros remportèrent la victoire, Castro était devenu le leader indiscutable de tout le mouvement, à cause d’une appréciation incorrecte des événements de la part de l’opposition, qui le tenait, avec son modeste programme social-démocrate, pour un mal « contrôlable », nécessaire et provisoire.
Si les libertaires n’appréciaient que modérément la personnalité de Castro, les politiciens, la bourgeoisie, l’ambassade nord-américaine, pour leur part, croyaient pouvoir manipuler le chef guérillero. Quant aux Cubains, une majorité d’entre eux appuyait Castro sans réserves, en un moment de liesse générale, comme si le pays se trouvait aux portes mêmes du paradis. On n’allait pas tarder à se rendre compte qu’il était plutôt dans l’antichambre de l’enfer. A cause du refus apparent de Castro de diriger le gouvernement, on créa, avec son appui, un « gouvernement révolutionnaire », qui s’occupa de « régler leur compte » aux criminels du gouvernement antérieur. On créa les tribunaux révolutionnaires, qui menait des procès très sommaires à la « demande du peuple », qui prononçaient des arrêts de mort ou infligeaient de longues peines de prison. »

Il s’agit là d’un court extrait du livre de Frank Fernández, L’anarchisme à Cuba, paru aux éditions de la CNT-région parisienne en 2004 et dont on peut lire l’intégralité sur le lien ci-dessous. A l’heure où une pénible castro-idolâtrie se répand à l’occasion de la mort du dictateur des Caraïbes, il est bon de mettre à la disposition de tous la lecture de cet ouvrage, auquel les éditeurs ont ajouté l’important témoignage que l’anarcho-syndicaliste allemand Augustin Souchy consacra aux premières expériences sociales du régime instauré à Cuba après 1959. Merci à Floreal et à Claude Guillon pour avoir pu récupérer et diffuser ces textes.

https://lignesdeforce.files.wordpress.com/2016/12/cuba-libertaria.pdf
https://florealanar.wordpress.com/